Epidémies et Dharma

Epidémies et Dharma


Surprenante actualité des textes anciens de l’Ayurveda

L’Ayurveda  signifie Connaissance de la vie. Cette science a été transmise par les

Rishis, les sages de l’Inde ancienne il y a plus de 4000 ans, et a donné lieu à l’un des plus

anciens systèmes de santé du monde. Sa vision repose sur l’expérimentation et

l’observation des lois de la nature…

Les sages de l’Ayurveda connaissaient les épidémies, ils se sont interrogés sur leurs causes et ont décrit minutieusement leurs découvertes. La Caraka Samithā2, l’un des ouvrages de référence de l’Ayurveda, est très explicite à ce sujet. Elle apporte un éclairage très édifiant sur la crise que nous traversons et nous surprend par la précision de ses descritpions et son actualité saisissante.

Dans cet extrait, Agniveśa le disciple interroge son maître Ātreya :

– Agniveśa : Dites-moi comment une épidémie peut affliger en même temps des personnes ayant une constitution, une alimentation, un corps, une énergie, un tempérament, un mental et un âge différent ?

– Maître Ātreya : Certes, les hommes diffèrent par leurs caractères propres. Mais il existe des facteurs de dérèglement généraux provoquant des maladies dont les symptômes apparaissent tous à la même période et qui sont capables d’anéantir une communauté entière : ces agents sont la pollution de l’Air, de l’eau, des sols et bouleversement dans le cycle des saisons. (…) Ces quatre facteurs contraires aux normes provoquent des épidémies. Quand ils disparaissent, les conditions de salubrité réapparaissent. (…)

– Agniveśa : Maître quelle est la raison première du dérèglement de l’air, de l’eau, etc.donnant lieu aux épidémies destructrices ?

– Maître Ātreya répondit : Ia cause première de ces déséquilibres est l’impiété, c’est-à-dire le non-respect du dharma3 . Ils proviennent aussi des délits commis dans une vie antérieure, mais la racine commune de ces deux raisons réside dans l’erreur de jugement qui est un manque de sagesse. Par exemple, lorsque les dirigeants d’un pays, d’une ville, d’une association ou d’une communauté transgressent les règles du droit et des vertus, ils bafouent le peuple, leurs fonctionnaires et leurs subordonnés, les citoyens et les commerçants et leur impiété ne cesse de croître. L’impiété fait disparaitre la justice par la violence. Privé de justice, le peuple est bientôt abandonné des dieux. L’impiété prend donc le dessus et, par voie de conséquence, les dieux abandonnent ces lieux, les saisons se trouvent déréglées, de telle sorte qu’il ne pleut pas au temps des pluies, ou bien que la pluviosité devient anormale et que les vents soufflent d’une façon anarchique. Le sol se dégrade, les réservoirs d’eau s’assèchent, les plantes perdent leur propriété et deviennent nocives. C’est alors que les épidémies se déclarent par contact polluants et absorption d’aliments dénaturés. L’impiété et autres actes malsains favorisent aussi les attaques parasitaires et microbiennes. (…)

Malgré la présence de ces causes extérieures responsables des épidémies, les personnes traitées préventivement seront immunisées contre les affections épidémiques.(…)Dans l’éventualité d’un dérèglement de ces quatre facteurs les gens qui suivent une thérapie préventive ne subiront pas l’agression des maladies.(…) Pendant ces périodes difficiles, pour protéger sa vie et quand la mort n’est pas la seule issue, on observera quelques règles :honnêteté, bienveillance, charité, offrandes, culte des dieux, noble conduite, calme, instinct de conservation, résidence en des lieux propices à la bonne santé, observance de la continence et compagnie de ceux qui la pratiquent, conversations édifiantes au sujet des écrits religieux et de l’histoire des grands sages, fréquentation des gens purs et respectant la religion et de ceux qui possèdent la considération des aînés. »

Caraka Samithā -III.3.Extrait du Traité fondamental de la médecine ayurvédique, Jean papin, éditions Almora.

3 Dharma : Ensemble des normes et lois, sociales, politiques, familiales, personnelles, naturelles ou cosmiques.

Le mot sanscrit

vient de la racine  »

qui signifie

, ce qui tient ensemble. Le Dharma, c’est l’ordre, la norme, le principe qui

soutient toute chose manifestée. Suivre le Dharma signifie appliquer les lois qui nous

maintiennent dans l’harmonie du monde, de la nature, de l’univers. Le Dharma peut revêtir

plusieurs formes, l’ordre cosmique, l’ordre social, l’ensemble des lois civiles, l’ordre moral,

une doctrine religieuse, le devoir

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Ainsi, l’ayurvéda est sans équivoque : c’est le non-respect du Dharma, des lois naturelles, des lois de la vie, qui est à l’origine de la pollution de l’air, de l’eau de la terre et des perturbations climatiques qui à leur tour provoquent les épidémies virales. À cet éclairage, nous comprenons bien que les épidémies n’arrivent pas par hasard et notre responsabilité dans la situation que nous subissons est évidente. Nous avons activement contribué à la pandémie que nous subissons aujourd’hui.

Mais qu’est-ce au juste que le Dharma, quelles sont ces lois que nous avons transgressées ?  » Dharma  » dhr  » tenir, porter, transmettre

Lorsque nous empoisonnons la terre, l’eau, les rivières, les océans, l’air, l’espace, lorsque nous coupons les forêts, détruisons les animaux, la biodiversité, les peuples ancestraux, le lien à la nature, la connaissance, les bienfaits, les remèdes qu’elle nous donne, la mémoire qu’elle nous transmet, alors, nous polluons et détruisons ce qui nous nourrit ; nous empoisonnons notre espace intérieur et nous affaiblissons notre force et notre immunité. Nous nous coupons de nos racines, des mondes subtils et de Dieu. Nous nous excluons de l’harmonie du monde et la détruisons. En somme, nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis. En ne respectant pas le Dharma qui est la loi de vie, nous mourrons, tout simplement !

Alors maintenant, face au défi de la crise actuelle, quelle réponse « immuni- terre » allons-nous donner ? Qu’allons-nous comprendre et accepter de changer ? Comment retrouver le chemin du Dharma ? Le temps est venu de réfléchir aux conséquences de nos actes, de nos comportements, de nos paroles, de nos pensées. Apprenons à respecter la grande loi de vie qui est l’Amour, amour de soi, des autres, de la nature, de la vie elle- même.

C’est un travail de toute une vie, un art de vivre qui nécessite d’être présent. Cela suppose de rester attentifs à ce qui entre dans notre espace, notre corps, nos pensées, à ce que nous mangeons, écoutons, regardons, à ceux que nous fréquentons, au milieu où nous vivons… Cela suppose d’être relié à la vie et aux principes qui fondent la vie, de retrouver notre vigilance, notre dignité, notre lien au Vivant, au Subtil, au Sacré. Revenons à l’essentiel,revenons-à nous, au Soi !

Texte de Claire Dagnaux issu du blog de Michéle lefebvre , Yogamrita.

 

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